Commentaire :
Né le 7 novembre 1846 à Prossnitz (Moravie, Autriche) - mort le 17 septembre 1907 à Vienne (Autriche)
Ignaz Brüll est l'aîné d’une prospère famille de marchands juifs. En 1850, ses parents déménagèrent à Vienne, qui devint le centre de sa vie et de son œuvre. Brüll était initialement destiné à reprendre l’affaire paternelle, mais ses dons précoces lui valurent également de recevoir une éducation musicale approfondie—il étudia le piano avec Julius Epstein, ainsi que la composition avec Johann Rufinatscha et Félix Otto Dessoff. Un avis enthousiaste d’Anton Rubinstein, l’année de ses quatorze ans, se révéla le facteur décisif dans son dévouement à une carrière musicale.
En 1864, il écrivit son premier opéra, Die Bettler von Samarkand, qu’il soumit au Théâtre de la cour, à Stuttgart, capitale princière du Wurttemberg. À la fin de 1866, il se rendit dans cette ville pour superviser la production en personne. Malheureusement, ses projets n’aboutirent à rien et la partition disparut dans les archives. Brüll obtint cependant d’importants succès avec sa Première sérénade pour orchestre et ses interprétations pianistiques.
Vinrent ensuite quinze années au cours desquelles il multiplia les tournées de concerts, visitant non seulement des centres musicaux comme Prague, Breslau, Berlin, Munich, Francfort, Leipzig ou Dresde, mais les régions les plus reculées de l’empire des Habsbourg et de l’Allemagne. Entre ces tournées, il donna régulièrement des concerts à Vienne. En 1871, il se vit offrir un poste de professeur de piano au Conservatoire Stern, à Berlin, mais refusa pour ne pas être séparé des siens. À partir de 1872, il enseigna à l’École de piano Horák, l’une des plus grandes institutions musicales privées de Vienne, dont il devint le directeur artistique en 1881. Dans les années 1890, il refusa une nomination au Conservatoire de Vienne.
Le succès phénoménal de son deuxième opéra, Dos goldene Kreuz, exécuté pour la première fois le 22 décembre 1875, à Berlin, propulsa Brüll au tout premier rang des compositeurs de son temps et renforça sa carrière de pianiste. Au début de 1878, l’éditeur londonien William Chappell l’engagea pour deux concerts en Angleterre. Au même moment, l’imprésario Carl Rosa préparait une production de Das goldene Kreuz, dont la première londonienne se tint à l’Adelphi Théâtre, le 2 mars. Le 28 janvier, Brüll fit ses débuts dans un «Monday Popular Concert» et remporta un succès tel qu’il se produisit ensuite plus de vingt fois à Londres, Liverpool et Manchester. Brüll put alors assurer l’interprétation de certaines de ses œuvres, comme le Second concerto pour piano, la Première sérénade, ainsi que d’autres œuvres de chambre et pièces pour piano.
Il se rendit de nouveau en Angleterre en 1881, entre le 31 janvier et le 9 mars, et donna huit concerts qui reçurent l’habituel bon accueil. Il joua certaines de ses pièces, dont le Premier concerto pour piano, l’ouverture Macbeth, op. 46, le Trio avec piano, op. 14 et maintes œuvres pour piano.
Les deux tournées de concerts en Angleterre marquèrent l’apogée de sa carrière de virtuose. Dans les années qui suivirent, il réduisit brusquement le nombre de ses apparitions publiques pour se concentrer davantage sur la composition. Après avoir épousé Marie Schosberg, la fille d’un banquier viennois, en 1882, il fit de sa maison l’un des centres mondains de la ville, où il réunit un vaste cercle d’amis, parmi lesquels Johannes Brahms, Cari Goldmark. Julius Epstein, Robert Fuchs, Anton Door, Richard Heuberger, Ludwig Rottenberg, Richard von Perger, Eusebius Mandyczewski, Eduard Hanslick, Gustav Mahler, Theodor Billroth el Joseph Breuer. Il passa les mois d’été en famille, en Haute Autriche, d’abord à Ischl puis, à partir de 1890, à Unterach, sur l’Attersee, où il se fit construire une maison de vacances, le «Berghof»—qui attira également musiciens, artistes et figures littéraires.
En tant que compositeur, Brüll demeura fidèle aux modèles qui l’avaient mené au succès dans ses premières années et refusa catégoriquement d’avoir quoi que ce fût à faire avec les nouveaux développements, se plaçant ainsi de plus en plus en opposition avec son temps. Il n’en reçut pas moins moult honneurs le 7 novembre 1906, à l’occasion de son soixantième anniversaire. Lorsqu’il mourut ex abrupto, juste quelques mois plus tard, le 17 septembre 1907, le public pleura un musicien sérieux, dont les efforts artistiques avaient toujours fait montre d’intégrité et de sincérité. Das goldene Kreuz préserva son nom pendant des décennies, jusqu’à ce que l’interdit nazi contre tous les artistes juifs le balayât finalement de la scène.
Si, vers la fin de sa vie, Brüll vit sa position de compositeur indubitablement contestée, il jouit, en tant que pianiste, d’un respect sans faille. Des collègues comme Franz Liszt, Anton Rubinstein et Clara Schumann, mais aussi de nombreux critiques, le considérèrent comme l’un des grands représentants de son art. Sa réputation d’interprète de Beethoven, Schumann et, plus tard, Brahms fut particulièrement incontestée. |