Tucapy, vendredi 11 avril 1908- Toronto, mardi 3 juillet 1973
Karel Ancerl est né dans un village de bohème, Tucapy (Tchécoslovaquie méridionale). Il étudie le violon, puis la direction et la composition à Prague avec Jaroslav Kricka et Alois Haba. Bien vite remarqué, il devient l'élève du chef Václav Talich. Sa Sinfonietta pour orchestre symphonique est créée le 24 juin 1930, par la Philharmonie lors du concert de fin d'étude : Karel est à la baguette.
Au début des années 30, son autre maître, Hermann Scherchen l'invita à Munich, puis Berlin, pour en faire son assistant. Il pu donc participer par exemple en 1931, à la création d'ouvrages lyriques comme Matka [La Mère] de Alois Haba, dont il assure pendant sept mois toute la mise en place et la préparation de l'orchestre. Il donne aussi la première tchèque du Pierrot Lunaire de Schoenberg.
De 1933 à 1939 il dirige l'Orchestre de la Radio de Prague, ainsi qu'un orchestre (de jazz) du Théâtre Libéré. Entre 1935 et 37, Talich lui confie cinq fois la direction de la Philarmonie Tchèque.
Durant la guerre, après avoir été clandestin et bucheron dès l'occupation de 1938 (il avait été interdit de diriger : le père d'Ancerl étant juif), il est interné en novembre 1942 au camp de Terezín (Theresienstadt) où il dirige un orchestre de fortune. Un film de propagande nazie le montre dirigeant une étude pour cordes de Pavel Haas. Il survécu miraculeusement au camp d'Auschwitz où il fut transporté en avril 1944, mais ni ses parents, ni sa femme, ni son fils n'en revinrent. Lui, sorti de cette épreuve très affaibli physiquement. Il retrouve néanmoins ses fonctions à l'orchestre de la radio en 1947, après un bref passage au théâtre Smetana.
Le 20 octobre 1950, il prend la direction de la Philharmonie tchèque et c'est ainsi que commence cette longue histoire d'amour avec l'orchestre... Talich avait été écarté à la fin de la guerre : accusé de collaboration avec les nazis (il avait dû accepter un concert à Berlin pour sauver la Philharmonie) il se retrouvait, à la tête de la Philharmonie Slovaque... Après le départ de Kubelik, parti pour les Etats-Unis en 1948, l'orchestre est confié à Vacláv Neumann. Trop jeune et peu expérimenté à l'époque, il est repoussé par les musiciens. C'est finalement Karel Sejna qui assure l'intérim jusqu'à la nomination d'Ancerl.
C'est seulement en 1959, en raison de la guerre-froide qu'il effectue avec la Philharmonie tchèque un tournée internationale (Australie, Nouvelle Zélande, Chine, Japon et Inde). Il fallu attendre les années soixante pour que celle-ci puisse se rendre aux Etats-Unis et au Canada.
Lors du « Printemps de Prague », Ancerl est en tournée à Boston, invité par les orchestres de Boston et Cleveland. Il décide de ne pas rentrer dans son pays. La situation ne fait que précipiter son départ de Tchécoslovaquie, car il s'était déjà engagé avec le Symphonique de Toronto l'année précédante par contrat. Cela ne l'empêchera pas de venir de nouveau diriger la Philharmonie Tchèque au printemps 1969... L'orchestre tchèque est repris par Václav Neumann.
C'est donc à Toronto, succédant à S. Ozawa, qu'il se fixa. Cinq ans plus tard, une maladie l'emporta bien trop tôt.
Karel Ancerl, au même titre que Talich, représente le corps de la grande tradition tchèque. A eux deux, ils ont porté la Philharmonie tchèque parmi les tous premiers orchestres du monde. En fait, Ancerl est sans aucun doute l'un des plus grands chefs du XXe siècle. « Lucide, exigeant, il est sans cesse à la recherche de la vérité stylistique et il la trouve » (Claude Nanquette). De cette réussite, il nous reste les disques, qui sont souvent des vérités musicales, pour beaucoup d'entres-eux des évidences, des vérités tout court.
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